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Le bleuet, patriote et sédatif
Histoire du bleuet
Avide de soleil et ne craignant pas la sécheresse, on l’installe au jardin pour un an ou pour toujours. Pendant longtemps le bleuet a fait partie des bouquets patriotiques que l’on confectionnait pour le 14 juillet. C'était l’occasion de cueillir les fleurs correspondant aux trois couleurs de la nation et qui s’épanouissaient à cette date. Le plus simple était d’aller dans le premier champ de blé, d’avoine ou d’orge, où, inféodées à ces céréales, poussaient bleuets, marguerites et coquelicots. Les tables rustiques des campagnes de France se garnissaient alors de bouquets de ces trois fleurs.
Puis vint le moment où la culture des céréales s’intensifia, c’était juste après 1945. Les abondants traitements aux herbicides sélectifs firent disparaître avec autant d'efficacité ces plantes colorées. Heureusement la nature a plus d’un tour dans son sac. Il fallu attendre quelques dizaines d’années avant de voir revenir discrètement les charmants bleuets, qui, avec pour seules armes le temps et des gènes de résistance, contournent les molécules herbicides.
Trimbalé clandestinement
Pas plus que sa voisine la marguerite, le bleuet n’est une fleur. Entendons nous : ces deux plantes qui font partie de la très grande famille des Astéracées (ou composées) regroupent astucieusement quelques dizaines de fleurs afin d’attirer avec plus de force l’œil des insectes. Au centre figurent des fleurs hermaphrodites, fertiles, celles qui sont en périphérie arborent le bleu profond et sont stériles. Originaire de l’est de la méditerranée, le bleuet s’est propagé par ses graines, mélangé aux semences de blé, lors de la récolte, et trimbalé clandestinement dans les sacs de blé qui transitaient d’un village à l’autre. Les villageois connaissaient les propriétés somnifères des graines cuites de bleuet : il suffisait d’en jeter quelques poignées dans un endroit identifié comme étant fréquenté par des perdrix. Celles-ci les mangeaient puis s‘endormaient. Ne restait alors qu’à les capturer et les manger.
Étymologie, noms populaires
Le nom de genre du bleuet, centaurea, désigne en latin le centaure. Ces plantes sont dédiées au médecin centaure Chiron père de la chirurgie et précepteur d’Achille. Le nom de l’espèce, cyanus, vient du grec cyanos (bleu). En breton aussi, les noms qui désignent le bleuet font souvent référence à la couleur de la fleur : bokedou glas, glazig et glizin. C’est également le cas pour une quantité impressionnante de noms populaires : épi bleu, blouet, bluet, bleu, coquelicot bleu… Le bleuet fait partie des plantes dites messicoles : de messis, moisson et colo, j’habite. Le bleuet des canadiens, enfin, c’est la myrtille locale, colorée de bleu profond; chez nous ce mot désigne la fleur que nous connaissons.
La Bourrache, cordiale et hilarante
Originaire d’Espagne et du Maghreb, la bourrache fut longtemps légume avant de devenir « mauvaise herbe ». Il est temps de redécouvrir le goût d’huître de ses fleurs, de concombre de ses feuilles et les propriétés médicinales qui les accompagnent.
Cette herbe annuelle atteint, selon la qualité du sol, une hauteur de 20 à 60 cm et se distingue, même observée de loin, par la quantité de poils raides et blancs, presque piquants, qui recouvrent ses tiges et feuilles. Cette caractéristique est si prégnante qu’elle est à l’origine de l’un de ses noms populaires : « piquants bleus ». Au toucher ces poils se révèlent rugueux ce qui s’explique très simplement par la présence de minuscules « pierres » calcaire à l’intérieur de chacun d’eux. En dehors de cette pilosité hors du commun, la bourrache se distingue par ses fleurs. Généralement bleues intense (presque gentiane), elles ont la forme d’une belle étoile à cinq branches et attirent fortement les abeilles qui se délectent de son nectar sucré et abondant. Chose remarquable, leur couleur varie d’un lieu à un autre - bleu, blanc, rose ou pourpre-violacé - car les colorants (anthocyanes) contenus dans leurs cellules changent de teinte en fonction du pH du liquide cellulaire dans lequel baignent ces pigments floraux. A noter que ces fleurs, trempées dans de l’alcool ou du vinaigre, confèrent à ces liquides une belle couleur bleue.
Un légume-feuille ignoré
Les feuilles sont, au début de la vie de la plante, disposées en rosette puis, au fur et à mesure que la plante s’élève, se répartissent également sur toutes les branches qui se sont ramifiées entre temps. Lorsqu’on les mâche lentement, un goût très net d’huître fraîche se répand dans la bouche ; le mucilage qu’elles contiennent est aussi perceptible alors. Déjà connue des grecs et romains qui la mettait à macérer dans du vin parce qu’elle effaçait la tristesse, la bourrache s’est frayé un chemin, cahin-caha, jusqu’à nous, manquant au passage de disparaître de nos assiettes. Heureusement de nombreux ethnobotanistes ont revêtu le tablier de cuisine et testé des recettes –les plus anciennes datent du treizième siècle- qui menaçaient de disparaître.
Au Moyen-Age elle est à la fois simple et médicinale. On la cuit au pot (à l’eau, avec parfois de la viande ; ses poils disparaissent à la cuisson), et Aldebrandin de Sienne, depuis cette lointaine époque, en dit du bien : « sachez qu’elles sont bonnes pour toutes les maladies qui peuvent advenir au cœur et qu’elle est par cette nature le légume-feuille le plus convenable que l’homme puisse utiliser. »
Au jardin
Fréquente dans la nature, au jardin la bourrache se multiplie par semis. Elle peut être cultivée comme annuelle (semis de printemps) ou bisannuelle (semis d’automne), elle survit parfois à l’hiver. Les plants seront distants de 30 cm sur le rang et de 40 cm entre les rangs. Les graines seront recouvertes d’un demi-centimètre de terre et lèveront en une semaine dans des conditions normales d’humidité et de température. On peut s’en procurer sur Permacool. Plante de friches et de terres ingrates, la bourrache ne dédaigne pas pour autant les sols profonds, frais et riches en matière organique. L’exposition idéale est le plein soleil. Binage et éventuels arrosages sont les seuls soins utiles à cette appréciable plante qui entre dans la double catégorie des « condimentaires-légumes ».
Portrait du bleuet et la bourrache